Juliette Deplage
Noces de jasmin - Hella Feki
Dernière mise à jour : 18 avr. 2021

Résumé :
« Tunis. Janvier 2011. Mehdi tourne en rond dans sa cellule, qui pue la pisse, le sang, il n’a aucune idée de ce qu’il va devenir. La Cellule, elle, sait tout, elle a vu ce que les geôliers ont fait aux autres prisonniers. Elle murmure à l’oreille de Mehdi. Dehors, Essia, une jeune femme en poste à l’Institut français, s’inquiète de la disparition de Mehdi, son nouvel amour. Elle se rend au journal où il travaille, puis part pour Sfax, la ville d’origine du jeune homme pour tenter de le retrouver.
De son côté, le père d’Essia, Yacine, se rappelle l’indépendance. D’ailleurs, il a mal sous le pied gauche comme au départ des Français en 1956. Sa pharmacie est plus fréquentée que d’habitude, surtout par des jeunes. Quelque chose se passe en Tunisie. Les journaux sont censurés mais les informations se diffusent sur internet. Medhi est encore le seul à le savoir : c’est une révolution. »
« Je ferme les yeux. Je me remémore ce que j’ai accompli. Je pense au destin aussi. Le destin, on croit lui donner rendez-vous. On estime pouvoir le façonner. Aller vers son futur. L’orienter vers une vie heureuse. Trouver amour, sérénité et apaisement. Mais le destin empoigne qui il veut, quand il le veut, s’il le veut. C’est lui qui vous choisit. Parfois avec cruauté. »
Mon avis :
La révolte du peuple embrase la Tunisie. Ce pays qui souffre, cette dictature et son énorme tentacule qui étouffe et brise ces gens. Le silence. Se taire. Fermer les yeux. Vivre dans le faux. Revendiquer des accès à l’éducation et aux droits des femmes aux figures de fantômes.
Maintenant, place à la rage.
Hella Feki donne la parole aux jeunes comme aux plus âgés. On rencontre Mehdi, Essia, Yacine. Un peu comme une correspondance nostalgique par le biais de cartes postales, on découvre chaque personnage. Ils livrent leurs doutes, leurs espoirs, leurs peurs, leurs amours.
Les chapitres sont courts, filent à une allure grandissante comme l’oppression qui ronge le pays.Yacine nous raconte sa vie d’immigré, Essia son trouble de l’identité face à sa double-nationalité franco-tunisienne et Mehdi son combat en tant que journaliste.
C’est d’ailleurs pour cela que ce dernier est arrêté. L’autrice donne vie en pensée à sa cellule; comme une nature morte qui revient à la vie. La cellule ne peut pas parler mais elle voit: elle regarde ces hommes et ces femmes arriver, qui en sortent meurtris ou qui n’en sortent plus jamais.
L'écriture est magnifique. L'autrice arrive à parler d'évènements tragiques de façon douce. Elle donne une touche de légèreté aux évènements les plus tragiques, pas en les rendant moins forts mais plus vivants. Elle parle aussi de sentiments amoureux, de désir. Et c'est fort. D’un côté la révolution et de l’autre cette rencontre entre Mehdi et Essia parmi la foule qui s’agite, qui arrivent ensemble à se frayer un chemin. Et qu’est-ce que c’était beau.